Réflexions libres et officieuses
sur le
Bouddhisme de Nichiren
Globalement, lenseignement du Bouddha Shakyamuni est issu de sa sagesse et vise à mener les êtres à léveil, à les rendre égaux à lui-même. Pour ce faire, dans un but pédagogique, divers sûtra contiennent des concepts relatifs au temps et à lespace, à la conditionalité, dautres établissent le non en soi fixe des êtres et des choses, où la vacuité des phénomènes, afin de faire apparaître et fructifier la sagesse des êtres. Le Sûtra du Lotus débute, quant à lui, par une forte proclamation concernant laspect réel des multiples phénomènes et ouvre, par la suite, sur léveil de Shakyamuni non pas en Inde mais « à lorigine », c est à dire dans un passé extrêmement lointain. Tels furent, entre autres, certaines résonances mesurables de la prise de conscience qui fit de Shakyamuni un « éveillé ». Dans une mosaïque philosophique aussi riche et profonde, les concepts usuels tels que : hasard, destin, chance et malchance, maladie et accident, naissance et mort, souffrances et joies napparaissent plus être déterminées par des facteurs extérieurs à lêtre, mais uniquement par celui-ci. Autrement dit, deux lectures opposées peuvent être, là, mise en évidence : soit lensemble des phénomènes quotidiens ne provient que de notre « vouloir » personnel, soit il provient de ce qui nest pas soi, ou encore des deux à la fois. Or, précisément, un des aspects les plus importants de lenseignement du bouddha est, sans aucun doute, le constat suivant : nulle force ou entité extérieure à lêtre ne le produit ni ne définit à aucun moment sa réalité.
Grâce à cette impulsion nâquirent deux grandes catégories permettant dapprécier le positionnement des philosophies et religions de ce monde : la voie intérieure (à lêtre) et la voie extérieure. De fait, seul lenseignement du bouddha expose la voie intérieure, grâce à laquelle lêtre peut observer en lui lorigine de sa production phénoménale, alors que toutes les observation établies sur le mouvement phénoménal, perçu comme étranger au vouloir de lêtre, relèvent de la voie dite extérieure. De cette différence daxes de conscience et de logique vont naître de multiples évidences qui, pour les deux approches, vont constituer leur ossature singulière et distincte.
Ainsi en est-il, brièvement et sélectivement, de la teneur de lenseignement développé par le Bouddha Shakyamuni. Cependant, propension humaine à la superficialité oblige, diverses écoles bouddhiques rejetant les huit dernières années denseignement du bouddha, le Sûtra du Lotus, en revinrent, au fil des siècles, à la croyance en quelque chose dextérieur à limmédiateté de lêtre : lesprit ou le souffle originel, la statue du bouddha ou des bodhisattva, les dieux et divinités, le karma, les actes de bien et les bonnes oeuvres,... Ce faisant, elles ne se distinguent évidemment plus des doctrines des voies extérieures, alors même quelles brandissent le vâgue souvenir de léveil de Shakyamuni comme étant leur étendard fédérateur.
Aussi, pour en revenir graduellement à lorthodoxie de lenseignement de léveillé, allons nous tenter, dans un premier temps, de donner un aperçu non exhaustif de ce qui caractérise et distingue les voies intérieure et extérieure.
En outre, cette approche nous permettra de mettre en évidence certains des apports de lécole Chinoise du Tiantai ainsi que ceux du moine Japonais Nichiren (1222-1282) qui, dans lécole de la <Nichiren Shoshu >, est considéré comme étant le bouddha fondamental.
Voie intérieure |
Voie extérieure |
Immanence Lesprit, la sensibilité, le sentiment ou la mémoire sont factoriels, éminemment conditionnels, et ne nous semblent pas se distinguer des caractéristique attribuées par certains à lâme. Le sensible, conditionnel, ne saurait être acausal et vice et versa. Or, un en soi inconditionnel, du type âme, nétant perçu ni dans les phénomènes ni ailleurs, déduire son existence dun inconditionnel fantasmatique nest-ce pas déraisonnable? |
Transcendance Concept de lâme distincte du corps. Celle-ci est sensée avoir pour origine un esprit, un souffle, divin ou originel, ou être de cette nature. Bien que mue et colorée par le mouvement des circonstances elle semble, pour certains, être dune nature autre. Son origine est donc supposée hors le conditionnel. Elle rejoint en cela la notion de dieu, elle-même endormie dans cet étrange fourre-tout constitué dacausal inconditionnel ! |
Elles découlent de lenseignement du Bouddha Shakyamuni et sont en particulier expliquées dans les écoles Chinoises et Japonaises du Tiantai et de Nichiren. Elles sont au nombre de dix mais nous ne traiterons ici que des deux nous semblant les plus importantes. Le concept (japonais) de Funi ou Nini Funi signifie <deux mais pas deux>. |
Dualités Elles découlent de lobservation classique anthropocentrique et subjective des phénomènes par lhumain. Dans ce type dapproche du réel lesprit et la matière, lêtre et son environnement, la cause et leffet apparaissent comme séparée |
1- Non dualité du corps et de lesprit Selon Nichiren Daishonin :« La non dualité de la matière et de lesprit est lultime ». Selon ce concept, il ny a jamais matière sans esprit ni esprit sans matière. Dans cette logique, léveil suprême de la boddhéité ne peut donc seffectuer que dans ce corps. Toutes les formes peuvent donc faire apparaître léveil, de la même manière que chaque phénomène, ou dharma, exprime un état de vie par son aspect. |
Les formes, les corps, les événements sont incompréhensibles, dordre mécanique, impurs et distincts de lesprit puisque celui-ci ne peut exercer parfaitement son vouloir sur eux. Or, dans cette logique, lesprit est, là, bizarrement supérieur au corps. Lui seul est capable, par principe, de pureté et en conséquence susceptible délévation. |
Du fait de la non dualité de la matière et de lesprit il ny a pas dinégalité de principe entre une forme et toutes les autres. Il ny a, comme différence, que lexpression dune causalité unique, singulière et particularisante. En outre, les différents phénomènes apparaissant du fait de causes et conditions multiples, il ne peut se faire quune causalité ne soit, là, présente, et celle-ci ne se justifie que dans la présence qualitative et dans la perception particulières de lobservateur. Létat intérieur, et donc le <regard porté>, par tout phénomène sur son environnement est le fruit de sa causalité propre. |
Lhomme est supérieur à lenvironnement minéral, végétal, animal et parfois même humain, dans certains cas, en ce qui concerne le sexe dit faible, la couleur de la peau ou encore du fait de lattachement de certains à des rites étranges, païens que l« on » ne partage pas... De plus, le mouvement des phénomènes extérieurs à la pensée, donc le corps, les corps et lensemble du phénoménal semblent, dans cette approche, relever de laléatoire, de la chance ou de la malchance, du hasard ou du destin et autres formules destinées à masquer le manque de sagesse. |
et de son évidente causalité : Chaque phénomène exprime un état intrinsèque et un monde par sa forme même. Ces dix états existent à lorigine. « Laspect réel est les multiples phénomènes ». Lintrospection du cur de la pensée momentanée permet de le réaliser en soi. Le fait perceptif / réactif est continûment forme / pensée, son expression est atemporelle. Nichiren enseigne : « Les souffrances ne deviennent le nirvana que si lon réalise que lentité de la vie humaine, à travers vie et mort, ne peut ni apparaître ni disparaître ». |
et de son évidente causalité : Elle est située hors le phénoménal, hors la forme, hors la causalité. Idée dun principe premier tout puissant, acausal, omniscient, omniprésent et bon, paternaliste bien que pur esprit, à la fois créateur et juge, dont la réalité ne peut être approchée sauf par le biais surprenant dune soumission totale de lintéressé. Le sentiment, la réflexion, limaginaire, la mémoire, le fait perceptif et sensible en somme, est pur, le reste, donc les multiples phénomènes,... ! |
Le fait perceptif étant permanent et sans origine, celui-ci ne seffectue que vis-à-vis de phénomènes physiques et mentaux et seul lacte de regard sur ce qui, en soi, produit cette constante effervescence est éveil à la réalité. Si le fait perceptif est permanent, il nest donc jamais de situation de non perception/réaction à travers vies et morts. Pour cette raison, lacte momentané sapplique à ce monde et ses résultats ont pour cadre ce monde. Il sagit, là, de lapparition dune sagesse adaptée à lensemble des phénomènes. « Les phénomènes sont laspect réel ». Un seul précepte, qui est de pratiquer la voie, pas de morale, pas dincongrues oeuvres de bien ; éthique et actes à élaborer individuellement guidé par sa seule sagesse née de lintrospection du coeur. |
Considérations sur lacte Les actes de soumission et de croyance apparaissent être seuls à répondre aux circonstances que sont les maladies, le péril vital, le dénuement, la grande vieillesse et autres inconforts de ce monde. De fait, les actes sensés êtres producteurs dune valeur ajoutée visent plus généralement ce qui se situe hors ce monde pour lexcellente raison que le phénoménal est régit par des inconnues telles le hasard, le destin, la chance et la malchance. Donc, les actes seffectuent en ce monde, leurs résonnances futures ouvriront, en principe, laccès au meilleur des mondes mais après la mort. Rejet total du phénoménal puisque incompréhensible et donc aléatoire, « mal ». La sagesse individuelle nest évidemment ni encouragée, ni recherchée, et il ne subsiste comme repères que les prêts-à-porter de type : morale, éthique, multiples préceptes et diverses oeuvres de bien. |
Le bouddha ne croit pas, il exprime sa sagesse supérieure. La foi nest que le moyen, pour le manque de sagesse, de participer, par introjection, de la sagesse de léveillé. La foi, dans le bouddhisme, est donc équivalente à la sagesse adaptée à laspect réel des phénomènes. Venir à chaque instant de la perception du réel. Or, comme il ne peut se faire que lacte (pensée, parole et acte physique) ne soit une mise en forme, que toute expression nest quune mise en situation subjective de ce à quoi lon se réfère et donc aux objets de croyance intégrés, il en découle que seule la production momentanée est de lordre du réel. Dès lors, la foi nest guère en mesure de protéger de labrutissement usuel, sauf en cela quelle serait en elle-même sagesse. Donc, si lobjet de la croyance est suprême, la vie quotidienne lest également. |
Conception de la foi La foi aboutit à la foi en...la foi. Seule la croyance en quelque chose dextérieur apparaît comme étant une valeur et non la sagesse. Croire en la chose révélée par dautres. Découlant de lincompréhension des phénomènes : aucune explication quant à leur apparitions et disparitions, pas de relations causale entre ce qui survient à une personne et celle-ci, pas de liens entre les actes individuels et la réalité, acceptation passive de lévenementiel et gestion minimaliste de celui-ci en supposant que, ce monde étant mauvais, laprès sera, du fait de la foi, calme et enfin paisible...! |
Du rapport à lobjet Condition obligatoire de lépreuve de réalité puisque, vivant dans un monde de formes, nous ne pouvons nous extraire du fait perceptif et, en outre, il semble évident que chaque pensée, parole et action physique élaborent une forme provisoire : ce à quoi nous sommes, de fait, attachés. Doù Puisque tout phénomène est expression dun état, élaboration par léveillé de léveil des dix états dans la forme Cette élaboration sest naturellement effectuée dans la forme physique : lObjet fondamental de vénération pour lintrospection du cur, et sa forme phonétique : Nam Myoho Renge Kyo. Doù Eveil de tous les êtres, par la production en soi de la cause et de leffet de léveil immédiat, par la relation à léveil dans sa propre forme. |
Du rapport à lobjet Les objets, mentaux ou matériels, ne sont pas perçus en tant que réalité sensible et causale. Il ne peut donc y avoir dexplication relative à leur existence ni à leur influence. Cependant, et très paradoxalement, tant les systèmes de pensée, les liturgies, les objets du culte ainsi que les lieux dits saints sont abondamment utilisés comme causes. Doù De toutes façons, rapport obligé aux objets, aux formes, aux phénomènes. Seulement, lincompréhension des formes du monde phénoménal conduit, malgré tout, immanquablement à la pollution du réel par lemploi de la pensée, de la parole et de laction puisque lacte élabore continûment. Doù Souffrances de tous les êtres par lappesantissement irréaliste sur le seul esprit et par lincompréhension et le mépris de la qualité sensible de toute forme. |
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"De l'illusion spirituelle..." P.J.Bessone 150 pages, distribué par la FNAC.
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